Jean-François Froger
Exégète et chercheur en anthropologie. Il conduit depuis une trentaine d’années des séminaires de recherche expérimentale sur la fonction symbolique des objets.
La collaboration avec un médecin psychiatre, Michel Mouret, l’a conduit à publier Symbolique de l’image et anthropologie, vers l’assomption d’Œdipe (1986) puis D’or et de miel, aux sources de l’anthropologie biblique (1988) et Chemins de connaissance (1990).
L’anthropologie biblique et la symbolique permettent d’aborder la question de l’usage métaphorique des animaux comme figures de la vie psychique humaine ; avec la collaboration d’un zoologue, J-P Durand, il écrit Le Bestiaire de la Bible (1994) (somme quasi exhaustive sur le sujet).
Son exploration de la pensée mythique s’étend non seulement au mythe d’Œdipe mais aussi à celui d’Éros et Psyché, dont le texte latin est retraduit par Bernard Verten en respectant les images originales, dont l’interprétation donne un nouvel ouvrage : La voie du Désir selon le mythe d’Éros et Psyché (1997).
L’étude de la pensée mythique conduit à l’analyse épistémologique de la pensée elle-même et à la question de son fondement logique ; avec la collaboration d’un mathématicien de l’Université de Haute Alsace, Robert Lutz, il en résulte trois ouvrages : Structure de la connaissance (2003), Fondements logiques de la Physique (2007) et La structure cachée du Réel-The hidden structure within reality (2009).Ces ouvrages mettent en évidence l’existence d’une logique quaternaire englobant la logique usuelle comme sa réduction binaire, plus simple, n’ayant qu’une forme de négation. La logique quaternaire possède trois négations différentes, ce qui est une nouveauté radicale; son application à la Physique permet une explication rationnelle de concepts fondamentaux comme ceux de « quarks », de « charge électrique », de « famille de particules »…
De ses travaux d’exégèse biblique, on peut trouver une Étude sur l’épître aux Romains aux archives de l’Inalco (1974) et une étude des controverses de Jésus à propos du Shabbat aux éditions Grégoriennes : « Le Maître du Shabbat »(2009).
Il collabore aux travaux et recherches de l’association « Eecho » contact@eecho.fr sur les origines araméennes du christianisme.
Il a produit avec Annie-Gabrièle Schreiber, réalisatrice, une centaine d’émissions radiophoniques qu’on peut se procurer sur RCF-Gap radio.rcfha@rcf.fr ainsi que quelques émissions sur Radio Suisse Romande.
Eecho
Au moins dans le cadre de l'association Eecho, on ne présente plus M. Jean-François Froger. On connaît son travail et en particulier la découverte de la logique réelle qui organise la Parole révélée : une logique quaternaire. Les plus réticents mêmes admirent cette œuvre impressionnante, tout en regrettant son aspect technique jugé parfois rebutant.
Comme dans tous les livres de Jean-François Froger, nous avons accès au texte araméen et à une traduction dans la langue d'arrivée proche de la langue de départ, avec des références précises pour ceux qui voudraient aller plus loin dans ce domaine. Cela est très précieux. On ne peut que l'en remercier, comme aussi remercier l'éditeur qui affronte les contraintes techniques de l'araméen.
Avec ce petit livre, il sera difficile, même aux grands Réticents devant l'Éternel de déplorer la place prise par cette logique quaternaire ou par une métaphysique ardue. Et pour cause : ce livre est le fruit d'une retraite et son objet est l'un des textes de Jésus les plus populaires sinon les mieux compris : les Béatitudes.
On en compte neuf. Neuf Béatitudes, mais six chemins. Annoncés en p. 13 sous le titre: « A l'orée des chemins ».
C'est tout un programme : connaître la sagesse et l'éducation ; comprendre les paroles de l'intelligence ; recevoir une éducation sensée (justice, jugement et droiture) ; donner aux naïfs la ruse, au jeune, connaissance et pensée ; comprendre parabole et interprétation, les paroles des sages et leurs énigmes ».
Neuf Béatitudes donc mais six chemins, donc six chapitres. Pourquoi ?
Parce que si le texte des Béatitudes se présente sous la forme discursive d'une énumération, il est organisé par une structure, structure qui fait l'objet d'une explicitation tout au long de cet ouvrage, sous ses deux formes : la structure en carré et la structure en « tresse ».
Chacun de ces chemins suivis ou à suivre relie la (ou les) Béatitudes évoquée(s) à un ensemble qui la sous-tend : les vertus (l'humilité et la pauvreté) ; la miséricorde, reflet de la Miséricorde divine dont on retrouve l'expression dans l'une des formules du Notre Père (pardonne nous… comme…) ; ou encore la persécution, celle du disciple et celle de l'Église. Mais aussi les paraboles ou l'enseignement même de Jésus, qui se trouve ainsi explicité et éclairé ; ou encore la prophétie d'Isaïe qui annonce que toutes
larmes seront essuyées de nos yeux : Heureux les affligés…
Cette « structure » n'est pas uniquement un exercice formel : elle rappelle que, au-delà de l'énumération qu'impose la langue, les Béatitudes constituent une composition unique, un « tissage » dans une unité où brille l'intelligence divine de Celui qui nous a laissé ce texte unique, qui est d'abord une parole orale.
Au-delà d'un petit guide lumineux pour entrer dans l'enseignement de Jésus, le lecteur trouvera là une initiation à la « forme » même qui organise cet enseignement, en en révélant le point nodal : la Miséricorde. Si chacun des six chemins proposés s'appuie sur des paraboles ou des passages de l'enseignement de Jésus, comme aussi de la Torah, il renvoie lorsqu'il y a lieu à la Prière des Prières : le « Notre Père ».
Et à sa dernière formule : Délivre-nous du Malin. Ceux qui ont suivi les enseignements de M. Froger sont conscients des enjeux d'une traduction juste, et donc d'une juste interprétation. Ils sont conscients que c'est aussi dans l'Église qu'il nous faut ces « pauvres dans le souffle » (pauvres en esprit) : ces chrétiens qui reçoivent la parole telle qu'elle est donnée, sans la rapporter à leur expérience individuelle ou à un savoir culturel, y compris le savoir ecclésial ou théologique, souvent éperdu d'abstractions, ou pire encore, appauvri ou dénaturé par les multiples tentatives d'accommoder cette Parole à l'esprit du temps.
Ainsi chaque chemin est le lieu d'explicitation de ces formules dont nous ne mesurons pas toujours, faute d'une interprétation ad hoc, qu'elles nous parlent du Père et de l'identité véritable de Jésus, le Messie ; qu'elles parlent du Royaume, de Satan, de la justice et de la miséricorde, de l'effroyable concurrence qui organise la vie des hommes et rend toute paix impossible en dehors de celle de Jésus, et même du devenir des morts.
C'est dans le sixième chemin qu'on trouve, plus explicitement, les relations mutuelles des neuf Béatitudes et la logique qui les sous-tend.
Les grands Réticents vont encore grogner : il y a trois pages sur la logique. Pour certains ce sera encore trop : oui, mais ces trois pages s'ouvrent sur des lignes lumineuses sur le royaume de Dieu. Suggérons qu'ils acceptent, au moins le temps de la lecture, d'être « pauvre de souffle », et de se donner ainsi une chance d'entrer dans la compréhension, au-delà de l'encodage logique, de la puissance transformante de l'enseignement de Jésus.
Ajoutons que cet encodage logique nous est exposé avec le maximum de clarté dont il est possible de faire preuve, que c'est une découverte majeure, pour ne pas dire décisive, et que tout ce qui est vraiment nouveau requiert quelque effort.
Ne fermez pas le livre : il y a des notes…
La première est un petit développement sur la note de bas de page n° 2 de la page 72. Il s'agit d'une analyse précise autant que prudente sur l'analogie spatiale énigmatique et même problématique du Shéol et de la Géhenne. En deux pages éclairantes, tous ceux qui s'intéressent à l'épineux problème du « devenir des morts » trouveront là de quoi nourrir leur méditation et peut-être, orienter leur réflexion future. Car, n'est-ce pas, il est un péché que la Miséricorde elle-même ne saurait racheter ou pardonner : le péché contre l'Esprit, conséquence d'une abominable confusion.
Et c'est bien l'enjeu de la dernière formule du Notre Père : ne nous laisse pas entrer dans la tentation de la confusion, celle de confondre Dieu et Satan. Celle aussi de douter de l'inspiration du Saint Esprit et donc de douter de Dieu, de sa Bonté, et donc de sa Miséricorde.
Car Satan seul nous abuse. Dieu ne nous abuse pas. Il dit vrai, vraie sa Parole, vraie sa Promesse, accomplie en son Fils, son Envoyé.
« La persécution la plus intime et la plus lancinante que le monde puisse nous infliger, c'est le doute » (p. 110).
Le doute, ce corrupteur de l'âme… Contre ce mal vrai qui dissout la volonté, ronge la foi et corrompt l'intelligence, (ce mal qui sans nul doute a conduit à l'apostasie des peuples de l'Europe), il y a une antidote : les Béatitudes. Et les six chemins pour entrer dans une compréhension plus profonde de ce qui fait la force de ce texte et son énigmatique splendeur : Celui qui en est la Source et l'Auteur.
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Archivo Teológico Granadino nº 80
Ce livre est né à l'occasion de l'initiative du pape François, qui a fait passer la fête de sainte Marie-Madeleine d’un simple souvenir au statut de Fête, en appuyant sa décision sur le fait que l'Église, traditionnellement, a toujours honoré la Sainte avec le titre d'Apôtre des apôtres. Ainsi, le Pape élève le degré de célébration liturgique de la Sainte au même rang que celui de chacun des apôtres. Il ajoute également que la mission qu'elle a réalisée en fait un exemple et un modèle pour toute femme chrétienne. Dans certaines régions de France, depuis la révision liturgique de 1962, la fête de la Sainte se célèbre avec la même solennité que celle des apôtres. Aujourd’hui, cette façon de l'honorer s’étend à toutes les églisescatholiques. Bien que beaucoup de gens aient une vision contraire à la réalité, ce ne sontpas les Orientaux qui lui ont donné le titre d'Apôtre des apôtres, mais les Occidentaux. En particulier, il semble qu'Hippolyte de Rome ait été le premier à lui donner ce titre dans son commentaire sur le Cantique des cantiques. L'intérêt des Français de Provence pour la Sainte se fonde sur une tradition incertaine selon laquelle elle se serait retirée dans cette région de la Gaule transalpine dans les dernières années de sa vie. Ce qui est certain, c'est que, dans cette région, comme dans le reste de la France, une dévotion particulière lui est portée depuis très longtemps. En présentant le personnage, les auteurs retiennent l'idée queMarie de Béthanie serait Marie-Madeleine mais aussi la femme anonyme qui est tombée aux pieds de Jésus dans la maison du pharisien, rejoignant l'hypothèse la plus plausible sur l'identification de ces trois femmes, en s’appuyant sur les textes canoniques, grecs et latins. Pour l'histoire de sa résidence en Provence, en l’absence de documents fiables pour l’étayer, ils se réfèrent aux implications théologiques et aux œuvres issues de cette présence possible dans le sud de la Gaule, en soulignant les racines profondes que le christianisme a fixées dans cette province romaine, toujours à la dévotion pour sainte Marie-Madeleine. En ce qui concerne la Sainte, la relation particulière qu’elle eut avec Jésus est soulignée d'une manière spéciale, comme on peut la déduire des textes évangéliques. Le livre est divisé en deux parties : dans la première, sont commentés les textes de l'Évangile dans lesquels Marie-Madeleine apparaît ; dans la seconde, est regroupé tout ce qui concerne ce que les auteurs appellent « la gloire de la Provence ». Dans cette deuxième partie sont cités des lieux de culte qui lui sont dédiés, en distinguant l'Orient de l’Occident. Les auteurs suivent aussi sa présence dans la liturgie, l'art et la musique. Enfin, sont réunies quelques prièresdédiées à la Sainte, parmi lesquelles des litanies composées en son honneur. De plus, il convient de noter que cette publication est d’une facture Ouvrage associé :
@Pneumatis
Si tu aimes lire l’Ecriture Sainte, l’écouter dans ce qu’elle a à nous révéler, et si tu aimes la logique, l’épistémologie, alors ce livre est fait pour toi. Il est sous-titré « Commentaires à propos des trois premiers chapitres de la Genèse ». Mais plus qu’un commentaire biblique, le livre propose une lecture, une écoute qui part du texte pour ce qu’il nous dit de lui-même : il est Révélation.
Autrement dit, le texte de la Genèse prétend apporter à l’homme une information qui ne lui est nullement accessible par ses propres moyens : ni par ceux de l’expérience et de la science, fut-elle des plus avancées ; ni même par l’imagination. Le texte de Bereshit ici parcouru dans ses trois premiers chapitres n’est donc pas un énième récit mythique des origines du monde, version archaïque de la théorie scientifique, ni une thèse métaphysique, il est révélation de ce qu’est l’acte divin de créer, et de créer par la parole.
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L'Homme nouveau n°1642
Entretien avec Jean-François Froger
Magnifique ouvrage tant par sa beauté iconographique que par la richesse anthropologique, historique, spirituelle des textes proposés à la méditation, Sainte Marie-Madeleine, apôtre des Apôtres, comblera tous ses dévots. Entretien avec Jean-François Froger, co-auteur aux côtés de Jean-Michel Sanchez, de ce livre de grande qualité, qui rend justice à la place éminente occupée par Marie-Madeleine dans l’histoire du Salut.
Propos recueillis par Frédéric Chassagne
En juin 2016, le Pape a décidé de rétablir la fête à part entière de sainte Marie-Madeleine (le 22 juillet) alors que celle-ci était une simple
« mémoire ». L’apôtre des Apôtres retrouve toute sa place dans la liturgie.
Est-ce cet évènement qui vous a conduit à publier un ouvrage consacré à cette figure singulière ?
Jean-François Froger : L’ouvrage a plutôt trouvé son couronnement dans cet évènement ; le manuscrit était achevé à ce moment et l’inspiration qui en a été l’origine se trouve ainsi enchâssée dans l’acte liturgique de l’Église, ce qui fut une grande joie pour nous. Comme Marie-Madeleine est aussi patronne de Provence, Jean-Michel Sanchez en raconte l’histoire et le culte et commente une abondante iconographie.
Lors de la première onction chez le pharisien Simon, Marie-Madeleine est présentée comme un exemple de la déchéance à l’état pur. Elle fut touchée par la « pureté transverbérante de Jésus » et « sept démons » ont été expulsés de son corps. De quoi Marie-Madeleine pécheresse est-elle le signe ?
>> Comme tous les personnages de la Révélation, Marie-Madeleine est à la fois un personnage historique et une « figure » prophétique. Elle réalise ce qu’elle est en montrant un paradigme exemplaire pour les siècles. C’est le modèle du plus grand amour jaillissant de la gratitude de l’âme sauvée, purifiée et ennoblie par l’immersion dans la pureté du Verbe incarné. La plupart des âmes tièdes se corrompent dans le « lac d’ingratitude » dont parle sainte Marie-Madeleine de Pazzi ; l’âme ardente de sa patronne montre au contraire la régénération dans l’océan de la gratitude.
Vous soulignez l’importance de la « spécificité féminine » à propos de Marthe et Marie. De quoi s’agit-il ?
>> Les deux soeurs sont inséparables, avec leur frère Lazare ; elles ont un rôle très important parce qu’elles reçoivent Jésus, l’une en son « intérieur », aux deux sens du mot, l’autre en son intimité la plus profonde, au point où conscience et secret de l’âme se conjoignent. Ces deux modes de réception sont indissociables.
On ne peut concevoir un accueil du Verbe sans leur concomitance ; même s’il semble qu’il y a une « division du travail », en fait l’un n’est possible qu’en harmonie avec l’autre. Bien loin d’opposer Marthe et Marie, Jésus les unit en corrigeant l’amour actif de l’une par l’amour contemplatif de l’autre. La « figure féminine » est l’emblème de la réception des dons de la grâce. Jésus donne beaucoup à beaucoup et peu en reçoivent beaucoup, à cause de leur ingratitude.
Après la résurrection de Lazare, lors de la seconde onction à Béthanie dans la maison de Simon le lépreux, vous indiquez que ce parfum répandu sur Jésus, à deux jours de la Pâque, est une occasion de révélation. Laquelle ?
>> Il faut longuement méditer et nouer entre eux tous les fils de la révélation de la Personne de Jésus pour atteindre cet acmé où l’amour de la femme passe son intelligence mais que l’intelligence de Jésus compénètre, à cause de leur union d’esprit. Ainsi l’onction sur la tête signifie prophétiquement l’instauration de Jésus, après sa mort et sa Résurrection, dans sa fonction de grand-prêtre éternel, lui qui n’était « pas même prêtre » (cf. He 8, 4) !
Dans le chapitre que vous consacrez à Marie-Madeleine au Calvaire, c’est le cardinal de Bérulle qui vous sert de guide spirituel. Pourquoi ce choix ?
>> Je recommande vivement la lecture des Élévations du cardinal de Bérulle ! J’aurais voulu pouvoir citer son oeuvre entière tant elle est perspicace, profonde et respectueuse du miracle d’amour qui unit les âmes de Jésus et de Marie-Madeleine.
Si les saints étaient capables d’être jaloux, ils le seraient tous de
cette union mystique accomplie et nous, nous serions jaloux de Bérulle dont la langue et l’élan spirituel sont propres à réveiller de la tiédeur nos piétés endormies
Après sa découverte du tombeau vide, Marie-Madeleine devient l’apôtre des Apôtres. Au-delà de l’évidence de la mort, elle fait découvrir aux Onze la réalité du corps spirituel de Jésus ressuscité. Quelle est précisément cette réalité ?
>> C’est la chose la plus difficile à concevoir et donc à décrire ! La transformation du corps de Jésus est telle que ses plus proches ne le reconnaissent pas. C’est que cette reconnaissance exige d’eux-mêmes une transformation de leur intelligence, comme l’a bien dit saint Augustin : « Jésus a voulu qu’on crût en lui, c’est-à-dire qu’on le touchât spirituellement, parce que lui-même et son Père ne sont qu’un. D’une certaine façon, le Christ monte vers son Père par les sens intimes de celui qui progresse jusqu’à le reconnaître égal au Père » (citation faite par Thomas d’Aquin dans la Somme théologique, 3a, q.55, a.6). Le corps humain de Jésus est divinisé tout comme son âme humaine dans le mouvement figuré par l’Ascension : Il « siège à la droite de Père ». Il en résulte une liberté entière de se manifester sous les formes qui conviennent à son amour et à notre salut ; dans un morceau de pain et une goutte de vin par exemple lors des rituels qu’Il a lui-même institués. Mais de beaucoup d’autres manières qu’Il lui plaît d’inventer dans son oeuvre continuelle de salut du monde.
Vous évoquez la médiation de Marie-Madeleine comme nécessaire entre Jésus et ses Apôtres. Pouvez-vous éclairer ce point ?
>> Cette médiation justifie le titre d’« apôtre des Apôtres » que Marie-Madeleine recevra comme envoyée aux envoyés ! Les Apôtres sont les disciples choisis et formés spécialement par Jésus pour transmettre son enseignement dans son intégrité ; il a fallu trois ans d’intense formation, par l’exemple et les paroles, pour qu’ils fussent capables non seulement d’admettre et de comprendre mais aussi de transmettre la nouveauté de son enseignement.
Mais il est un point que Jésus ne pouvait enseigner, sinon par des actes prophétiques que les disciples ne comprirent qu’après la Résurrection, comme le rapporte saint Jean : « “Détruisez ce Temple et moi en trois jours je le relèverai.” (…) Or lui voulait parler du sanctuaire de son corps. Quand donc Il fut relevé de la maison des morts, ses disciples se souvinrent de ce qu’Il avait dit et ils crurent aux Écritures et à la parole que Jésus avait dite » (Jn 2, 19-22). Son corps ressuscité est donc le nouveau sanctuaire relevant l’ancien qui devait être détruit. Or le Temple est le lieu unique de la présence divine où l’adoration de l’unique Dieu Créateur peut s’accomplir ; le détruire équivaut à l’apostasie la plus complète, ce serait une annihilation impensable que seule l’époque moderne saura produire. Le corps de Jésus ressuscité, intouchable, invisible, assis à la droite de Dieu est le véritable Temple non fait de main d’homme, où le culte est enfin parfait grâce au ministère du grand-prêtre unique et éternel. Cela les Apôtres ne pouvaient le comprendre sur-le-champ, il a fallu Marie-Madeleine et bientôt saint Paul et saint Jean, révélant ce grand mystère de la fin des temps. En effet, l’épître aux Hébreux de saint Paul et l’Apocalypse de saint Jean sont la mise en forme de la révélation infuse à l’amour mystique de Marie-Madeleine, soignant prophétiquement Jésus grand-prêtre, avant sa mort.
Pourquoi une femme pour faire cela, et pourquoi cette femme-là ? Parce qu’il faut réparer la vocation médiatrice de la femme dans la nature humaine souillée et quasi abolie dans le mystère de la faute d’Ève. Ève fut médiatrice entre le serpent et Adam, or elle était « construite» pour révéler la nécessité de la révélation dans l’usage juste de l’intelligence rationnelle. Ève écoute la parole transgressive du serpent et joue son rôle de transmission de la parole de révélation, oubliant la parole de Dieu. Marie Madeleine est la Femme régénérée jouant de nouveau le rôle d’Ève, mais cette fois-ci auprès de celui qui fut comme « le serpent élevé dans le désert par Moïse ».
Après avoir été libérée de la luxure qui est le signe extérieur de l’idolâtrie, Marie-Madeleine est, selon vous, guérie d’une autre idolâtrie qui est propre au culte de la transcendance absolue de Dieu. Qu’entendez-vous par cette affirmation ?
>> La prostitution consiste à échanger les signes de l’amour donnés par le corps contre des signes de l’échange donnés par l’autorité monétaire.
Confondre amour et échange, c’est évidemment confondre Dieu et l’Argent. De même l’idolâtrie échange les signes d’adoration de l’Amour contre les signes de soumission à une autorité intellectuelle.
Marie-Madeleine est guérie de cette prostitution à un baal philosophique, car elle a touché le Verbe de Vie dans sa visibilité terrestre et vu l’égal du Père dans le corps ressuscité. Le mystère de l’Incarnation dément la construction philosophique de la transcendance absolue de Dieu, Lui, l’Emmanuel, le « Dieu avec nous » ayant assumé une nature humaine. C’est en fait l’idée d’« absolu » qui est le secret empêchement à croire que l’incarnation de la divinité soit possible et raisonnable et plus tard, lorsqu’on aura fait dans le fidéisme l’impasse sur le problème de la raison, on sera encore plus empêché de croire en la fin ultime du salut à savoir la déification de l’âme. L’absolu ne supporte pas le partage ni la participation ni la relation ! C’est l’Un de Platon, de Plotin, de Mahomet ou même de l’ultime Brahman.
Cette secrète idolâtrie empêche d’entrer dans le mystère de la Sainte Trinité.
Or pour penser à Dieu, il faut prendre les chemins qu’Il a lui-même donnés à l’homme : la Trinité est première et révèle son unité. Mais les philosophes prétendent penser d’abord l’Un qui est à proprement parler impensable en tant que premier terme : ils n’ont pas reçu la Révélation de Moïse. Si on pense l’Un, on ne peut que poser la « substance» comme premier terme de tout discours sur l’être et potentiellement les confondre. Cette philosophie conduit pas à pas, au long des sièsiècles,à l’apostasie de la négation de Dieu et de l’homme que nous récoltons aujourd’hui comme son fruit corrompu et corrupteur. Chez un philosophe comme Martin Heidegger, l’homme achève sa course dans la mort, étant le « Sein zum Tode » (l’« être-vers-la-mort ») à la fin d’une expérience complète d’une vie insensée. L’Écriture enseigne tout autre chose : l’homme est pour la Vie, Jésus vient pour redonner la Vie, en plénitude par la connaissance du vrai Dieu (Jn 17) tel qu’il l’affirme dans sa prière grand-sacerdotale (au dire de sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix). On doit donc penser en premier la Relation. Et toute la Révélation montre que cette Relation est Amour Trinitaire, donatrice de tout bien, qui crée pour se rendre participable, sans échange, sans argent, gratuitement, engendrant un amour de ratitude réceptacle de tous ses dons.
Ne faut-il pas supporter comme Marie-Madeleine : « un martyre d’amour qui en sa rigueur surpasse les faveurs qu’elle a reçues au monde par la présence et possession qu’elle avait de Jésus, qui était sa vie, son tout et son unique amour. » (Card. de Bérulle, Élévation X) ?
Merci à L'Homme nouveau de nous avoir autorisé à reproduire leur article.
Voici leur site internet pour en savoir plus :
www.hommenouveau.fr
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(...) Une lecture attentive porte à constater avec satisfaction le bien-fondé de votre réflexion scientifique. Vous montrez l'exigence d'une démarche raisonnée et rationnelle, qui puisse orienter le regard vers Dieu, horizon ultime de la compréhension de l'univers. Vous invitez le lecteur à dépasser une vision binaire de "acte de foi. qui serait pour certains de J'ordre du don de la grâce, et pour d'autres, de la raison. Vous démontrez avec l'aide de la métaphysique qu;e la foi est en même temps un acte surnaturel, raisonnable et volontaire. Votre pensée s'inscrit ainsi dans la perspective de la Constitution {( Dei Filius» du Concile Vatican l, sur la Révélation, qui développe les rapports profonds entre la foi et la raison. Plus récemment, comme vous le savez, le Pape Jean-Paul II nous a invités à approfondir ces relations entre l'ordre de la nature et celui de la grâce, dans son encyclique « Fides et Ratio ».(...)
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