Docteur en langues et littératures anciennes, agrégé de grammaire, linguistique, chercheur postdoctoral à l'Université de Bordeaux Montaigne et aujourd'hui chercheur indépendant, l'argentonnais Hugo Blanchet publie Abécédaire des mots de la fin.
Il s'agit d'un ouvrage sans précédent, publié en mars dernier, réalisé par Hugo Blanchet en collaboration avec une chercheuse en thanatologie, Juliette Cazes et un illustrateur, Seyhan Argun. Une cinquantaine de mots en rapport avec la mort y font l'objet de développements étymologiques, historiques, archéologiques, anthropologiques et sociologiques. L'approche est à la fois érudite et légère, répondant à des questionnements humains souvent tabous. L'Abécédaire des mots de la fin est le deuxième titre de ce que l'auteur souhaiterait voir devenir une série collaborative, lui qui se dit passionné par les «histoires d'étymologie » et attaché au « versant de vulgarisation » de son travail de chercheur. « Je le nourris de mon bagage d'études », déclare Hugo Blanchet.
Le début d'une série d'"abécédaires" commencée en 2021
L'idée de l'abécédaire lui est venue en 2018 : « Je me sentais isolé dans mes recherches, j'ai voulu partager des chroniques étymologiques sur les réseaux sociaux». Contre toute attente, 22.000 personnes l'ont suivi sur X (anciennement Twitter) et une maison d'édition. L'Atelier Perrousseaux, l'a alors contacté, très intéressé par ces questions de langue française. Il en est sorti, en 2021, son premier Abécédaire des mots voyageurs, explorant l'étymologie de termes français aux origines insoupçonnées, souvent teintées d'un réel exotisme.
"Après nous avoir accompagnés sur les rivages des mots voyageurs _ c'était l'occasion de suivre les allers-retours des mots entre les contrées qui les faisaient vivre _ Hugo Blanchet nous propose son 2e abécédaire illustré, cette fois-ci autour des mots de la fin. Ce doux euphémisme pointe avec respect une réalité qui nous concerne tous : la mort. Pourtant cet ouvrage est plein de vie : la vie des mots et l'histoire qui les accompagne, la vie dès la couverture par le dessin d'une danse… macabre.
Hugo Blanchet est accompagné, pour cette nouvelle exploration, par Juliette Cazes, experte des pratiques funéraires anciennes et contemporaines à travers le monde, que vous connaissez peut-être déjà à travers son média sur la thanatologie, Le Bizarreum, et par Seyhan Argun qui a réalisé les illustrations et qui offre à chaque chapitre des dessins à la manière de gravures en noir et blanc.
De A à Z, nous découvrons ou redécouvrons des mots désuets, comme l'aître, ou plus techniques comme le catafalque, des mots qui renvoient à des pratiques ancrées dans l'histoire comme la dilaceratio, mais surtout beaucoup de mots du quotidien. Nous traversons les lieux de la mort comme le cimetière, la crypte, les catacombes, le mausolée, posons notre regard sur le cadavre, le cercueil, le corbillard, le linceul. Accompagnés du fossoyeur et du thanatopracteur, nous assistons aux obsèques, à une mise en bière, à une inhumation, tout en observant le deuil. Nous croisons des personnages hauts en couleur comme le fantôme, la faucheuse, la momie ou le zombie, qui ont leur propre rubrique, mais aussi une galerie de portraits, de Cronos à Saint Maclou, de Charon à la Santa Muerte, de Victor Hugo à Jim Morrison.
L'originalité de l'abécédaire est que chaque mot est raconté par trois voix : celle d'Hugo Blanchet retrace l'histoire du mot, celle de Juliette Cazes, l'histoire les pratiques funéraires, et celle de Seyhan Argun interprète visuellement les mots.
Hugo Blanchet revient systématiquement sur l'origine essentiellement gréco-romaine (mais pas seulement) des mots relatifs à la mort dans la langue française, tire le fil de leur évolution, notamment de sens. Les mots en appellent d'autres, et toutes les occasions sont bonnes pour faire de réjouissants petits détours linguistiques. Saviez-vous que la mise en bière n'a rien à voir avec le breuvage, que le mot décès est lié à l'idée d'un départ et cadavre au fait de tomber ?
Et Juliette Cazes de tirer ce fil jusqu'à nous en donnant une définition actuelle, nourrie de références littéraires, anthropologiques, sociologiques, historiques, archéologiques et d'anecdotes parfois surprenantes. Nourrie aussi de la réalité funéraire que l'autrice pratique au quotidien, qui dépasse le soin du corps du défunt, car la mort, c'est aussi tous les vivants qui l'accompagnent, qui l'accueillent et qui la célèbrent.
Les illustrations de Seyhan Argun mettent en scène les mots les uns après les autres sur une pleine page. L'être humain y est omniprésent, le trait est réaliste, le sujet souvent déroutant. Ces pauses visuelles sont autant de temps de recueillement, car c'est aussi un miroir que l'on nous tend.
L'ouvrage, à la croisée de ces approches, a donc une portée philosophique.
Sans bagage nécessaire pour entrer dans la lecture, ce livre est aussi destiné à tous les amoureux des mots, y compris aux professionnels du milieu funéraire, qui, selon Juliette Cazes, gagnent, dans leurs discours aux familles, à maîtriser les mots qu'ils emploient.
L'avant-propos nous met en garde sur le côté non exhaustif de cette liste. Le titre nous invite à réfléchir au mot "fin" pour parler de la mort. En exclusivité, je donne le mot de la fin aux auteurs qui ont accepté de nous livrer leur définition."
Le mot "fin" commenté par les auteurs du lire est à consulter dans l'artcile même :
La dépêche du MidiRédigé le Mercredi 14 juillet 2021
La dépêche du Midi
Ces mots ont une drôle d'histoire.
En enfilant un pyjama, imaginiez-vous que ce mot emprunté aux Anglais venait en fait de leurs lointaines colonies, par l'ample pantalon nommé« pay-jamai »? Ou que la nausée indique à la fois l'envie de vomir, mais aussi, en grec ancien, le navire agité qui la provoque ?
Le jeune érudit ariégeois Hugo Blanchet, enseignant chercheur à l'université de Bordeaux, et la graphiste de même origine, sa compagne Anouck Ferri, publient un abécédaire illustré de ces mots voyageurs choisis parmi les plus usités. De budget, provenant d'une bourse gauloise, à zizanie qui pourrait « être la plus ancienne appellation connue du blé » devenue mauvaise herbe en ancien français, en passant par glamour associé à... grammaire, ce dico un peu dingue voyage déjà dans les librairies françaises autour du monde. Juste retour des choses !
Mis en place par le graphiste David Rault et par Olivier Deloye, enseignant à l’école SupdePub de Bordeaux, Typex (Typographie expressive) est un événement annuel de trois jours. Son objectif : faire que se rencontrent les typographes et les étudiants en graphisme pour échanger sur les questions essentielles sur le dessin de caractères d’aujourd’hui. Cet ouvrage retranscrit les quatre tables rondes annuelles, de 2015 à 2019. On y retrouve donc les propos des intervenants :
Christophe Badani, Jean-Louis Gauthey, Julien Priez, Jean Alessandrini, Jack Usine, Lionel Orient Dutrieux, Jean-Baptiste Levée, Alain Beaulet, Thierry Fétiveau, Julie Morel, CédricGatillon, Benoît Bodhuin et Massin (1925-2020), dont ce fut l’une des dernières interventions.
étapes (janvier-février 2021) Rédigé le Vendredi 1 janvier 2021
étapes (janvier-février 2021)
Dix ans après la neuvième édition, David Rault et Michel Ballerini proposent une réédition, revue et augmentée, des Régles de l'écriture typographique du français par Yves Perrousseaux. L'ouvrage se scinde en trois parties. Un bref historique de l'écriture occidentale présente la naissance de l'alphabet, l'histoire de Gutenberg ou encore l'arrivée de la typographie numérisée. La seconde partie, plus conséquente, explique les règles élémentaires de composition typographique.
De l'emploi des majuscules à celui des guillemets, de l'écriture des nombres à l'utilisation des espaces et de la ponctuation, le livre aborde toutes les questions qui se posent quand on saisit un texte.
Enfin, le dernier chapitre avance quelques conseils pratiques et illustre les différents types d'espaces, les approches et les signes de correction.
Ouvrage didactique et pratique, ce guide tient compte de l'évolution des logiciels et des règles ou des habitudes qui ont pu en découler. Il s'adresse tant aux graphistes réalisant des maquettes qu'aux étudiants rédigeant un mémoire ou une thèse.
Ce livre s'adresse à celles et ceux qui ne possèdent pas, ou très peu, de connaissances typographiques nécessaires pour composer correctement un article, une brochure ou une publication.
En trois parties - historique de l'écriture, principales règles de l'écriture typographique
et quelques informations pratiques, ce guide propose aussi un index qui permettra
de faciliter sa recherche sur les majuscules ou minuscules, l'emploi du romain ou de l'italique ou encore les chiffres et les nombres, ou les règles sur les espaces et les tirets. À noter également des chapitres sur la fabrication du papier, l'invention de la typographie par Gutenberg ou encore les majuscules accentuées.
Dans sa 10e édition, ce livre est rigoureux tout en étant convivial, notamment en mettant certaines lettres en rouge pour une meilleure lisibilité.
Nouvel opus dans la collection « Histoire de l’écriture typographique » – après ceux sur Roger Excoffon ou François Boltana – la vie et l’oeuvre de Morris Fuller Benton mettent en lumière l’importance de son travail dans l’histoire de la discipline. En quarante ans de carrière, ce typographe prolifique produisit plus de 200 caractères, dont les iconiques Franklin Gothic ou Century Schoolbook. Grâce à son approche transversale, Olivier Chariau parvient à exposer clairement le contexte historique et technique qui aboutira à l’avènement de la typographie moderne, dont Morris Fuller Benton sera l’un des principaux porte-drapeaux au début du XXe siècle. L’ouvrage, richement documenté, rend les lettres de noblesse au typographe, dont les caractères ornent, aujourd’hui
Que recouvre l’expression « rapport texte-image » que nous utilisons si souvent pour parler de graphisme, d’illustration ou de bande dessinée ? À. travers son ouvrage, Gaby Bazin interroge la polysémie du terme en dressant un inventaire où les différentes disciplines apportent des réponses complémentaires. Le phylactère – la bulle de bande dessinée – lui sert de fil conducteur pour construire sa réflexion, qui met en regard des pratiques allant de l’époque médiévale jusqu’à nos jours. Il est l’élément pivot qui permet de représenter la parole dans l’espace de la page en permettant la cohabitation du texte et de l’image. Lettrages & phylactères est un ouvrage réjouissant et didactique, où les images de Robert Massin dialoguent avec celles de Chris Ware ou de Julie Doucet.
" HISTOIRE DE L'ÉCRITURE TYPOGRAPHIQUE " Quelle histoire !
Dans son numéro 70, "Graphê" a présenté les tomes V et VI de l' « Histoire de l'écriture typographique » de l'Atelier Perrousseaux. Retour sur cette collection dans une interview de Jacques André qui en a dirigé la moitié des ouvrages.
Graphê : Vous venez de terminer l'Histoire de l'écriture typographique. Quelle est sa propre histoire ? Jacques André : Yves Perrousseaux était un professionnel du livre imprimé et habitué des Rencontres de Lure. S'étonnant du manque de livres d'initiation à la typographie, il se lance, vers 1990, dans l'aventure de rédiger un Manuel de typographie élémentaire qui va être imprimé, grâce à Maurice Laugier, par Louis-Jean à Gap. Personne ne croyait à l'époque en un tel marché... Mais, grâce au charisme de son auteur, ça marche très bien (le livre en est à sa septième édition) et il fonde ainsi sa maison d'édition, l'Atelier Perrousseaux. Qui publie alors divers auteurs, souvent lursiens, tels que Blanchard, Mandel ou Frutiger. Autre vide auquel s'attaque alors Perrousseaux: il n'y a pas, en français, d'histoire récente de la typographie. C'est ainsi que parait en 2005 le premier volume de son Histoire de l'écriture typographique, de Gutenberg au XVIe siècle qui se distingue des histoires de l'imprimerie par la priorité donnée aux caractères. Mais Perrousseaux tombe malade, cède sa maison d'édition (David Rault en devient alors le directeur artistique) et publie les deux volumes du XVIIIe siècle, juste avant de décéder en mai 2001. Comme j'avais beaucoup aidé Yves Perrousseaux pour ce XVIIe siècle, les éditions Adverbum m'ont alors demandé de continuer son oeuvre. Ce que je ne pouvais faire qu'en collaboration. D'abord avec Christian Laucou pour le XIXe siècle (2014) puis avec toute une équipe pour ce XXe siècle qui vient de sortir en deux tomes.
Toute une équipe ?
Oui... Le XXe siècle est très riche et sa typographie peut être vue avec des approches très différentes. Quitte à sacrifier un peu l'unité du style, on a préféré ainsi jouer sur la diversité des auteurs - historiens, enseignants, graphistes ou techniciens - qui ont des approches spécifiques mais qui sont tous passionnés par la typo, ou plutôt par les typographies car, durant le siècle passé, la typographie est devenue plurielle.
Qu'entendez-vous par " typographie plurielles " ?
Depuis son invention, la typographie - l'écriture avec des types (sous-entendu en plomb) - a évolué lentement; mais depuis la fin du XIXe siècle, les caractères d'imprimerie sont sortis du livre pour entrer dans le monde naissant de la publicité puis des médias. On a souvent mentionné l'antagonisme « Caractères du labeur et ceux de la presse » ou celui « caractères dessinés/caractères gravés » ; mais il en existe bien d'autres, comme « caractères en plomb pour l'imprimerie/ caractères des écrans pour le grand-public du web », « caractères en noir/caractères en couleurs», « caractères professionnels (plomb)/caractères d'amateurs (infographie)», ou tout simplement « avec empattements/sans-serifs » voire «caractères construits (comme ceux du Bauhaus)/ caractères déconstruits (de Jeremy Tankard) ».Toutes ces forces antagonistes sont des atomes formant finalement cette molécule qu'est la typographie.
Vous opposez alors les aspects graphiques aux aspects techniques ?
Non, c'est plutôt le contraire. Nous pensons que ce sont deux aspects complémentaires. Que la technique a pu apporter, à un moment donné, des contraintes (ou au contraire de nouvelles possibilités) de réalisation ou de distribution; mais que, globalement, les grandes créations typo-graphiques sont indépendantes des outils. Toutefois - comme il serait difficile d'écrire l'histoire de l'écriture manuscrite sans parler des calames, plumes et autres pointes Bic - nous avons tenu à montrer l'évolution des techniques de fabrication et d'usage des caractères du XXe siècle, à savoir bien sûr les fondeuses, la photocomposition et l'informatique. Sans oublier des choses souvent ignorées, telles que les pochoirs ou surtout les lettres-transferts.
Au point d'en faire le fil conducteur ?
Effectivement, les deux tomes suivent cette évolution technique. Mais c'est aussi celle de la chronologie. Ce qui a posé quelques problèmes, par exemple, celui de devoir mettre dès le tome 1, qui s'arrêtait en principe à 1950, les créations typo des années 1950-1960 conçues initialement pour le plomb, afin de garder la proximité avec les autres caractères plomb. Un autre souci a été posé par de grands auteurs comme Frutiger ou Zapf : ils ont travaillé pour le plomb, la photocomposeuse puis le numérique. Il était alors difficile de trouver la place pour leur biographie complète. On avait pensé faire des encadrés qui auraient été répartis dans le livre, mais faute de place (il y a tant de créateurs...) nous y avons renoncé. Toutefois, aujourd'hui, ces biographies sont faciles à trouver sur le web... Nous avons ainsi préféré prendre du recul sur les hommes ou les anecdotes pour mieux montrer les caractères. Au passage, je signale qu'on a regroupé dessinateurs et fontes dans un double index.
Quid des illustrations?
Traditionnellement, la collection Perrousseaux attache une grande importance aux illustrations. Ici, il y en a des centaines dans chaque tome.
Nous avons essayé de couvrir au maximum les matières concernées tout en montrant des caractères typiques en évitant de prendre des images trop rabâchées. La difficulté bien sûr a été de montrer à des tailles raisonnables de petits caractères que nous préférons montrer dans des occurrences de leur époque plutôt que sous leur forme numérisée d'aujourd'hui. Une autre problématique est liée au fait que nombre d'oeuvres typographiques sont encore sous le couvert de droits de la propriété intellectuelle et que, parfois, certains héritiers ou associations de droits d'auteurs ont abusé du fait que le fair use n'existe pas pour les arts graphiques, même dans le cas d'ouvrages pédagogiques... Heureusement, certains organismes (comme l'École Estienne, le Musée de l'imprimerie et de la communication graphique à Lyon, la BNF, mais aussi la société Monotype, l'université de Reading, etc.) nous ont donné le droit de copier gratuitement (ou plus rarement à très bas prix) des extraits de leurs spécimens de caractères.
Des échos sur ce livre ?
La presse et les réseaux ont en général bien salué la sortie de ce livre. Mais, à mon avis, la meilleure reconnaissance de tout notre travail collectif est le Prix du meilleur livre de graphisme décerné aux deux tomes sur le XXe siècle par le Festival international du livre d'art et du film (FILAF) à Perpignan fin juin. Mais c'est aussi une reconnaissance de la typographie comme art, au même titre que la peinture, la photographie ou le cinéma.
Arts et métiers du LivreRédigé le Mercredi 1 mars 2017
Arts et métiers du Livre
Le dernier tome de l' Histoire de l'écrtture typogrophique s'ouvre sur une grande revolution technique survenue au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : la photocomposition. Plus besoin d'assembler des centaines de milliers de caractères de plomb, que ce soit à la main ou à la machine !
Dans la Lumitype présentee en 1949, les caractères sont stockés sous forme de négatifs sur un disque rotatif a mouvement constant. Double avantage : la composition du texte est six fois plus rapide et il est possible de varier styles et corps des caractères.
Peu après, la lettre transfert facilite la diffusion des créations graphiques, les machines a écrire se modernisent et l'informatique naissante exige des adaptations. Jusque-là, décrit Jacques André dans son introduction, la technique cloisonnait trois grands domaines d'expression, quI vont desormais converger : le labeur, la communication graphique, les affaires. A grand renfort d'illustrations, ces volumes séduiront les amateurs d'histoire de la typographie et du dessin de caractères.
La monographie que David Rault consacre à Roger Excoffon n’est
pas un livre sur Roger Excoffon, c’est Roger Excoffon dans un
livre.
Artiste lui-même pluridisciplinaire (graphiste, typographe,
photographe, homme de cinéma), David Rault fait revivre sous nos
yeux l’homme Roger Excoffon, dans ses élans, ses passions, dans la
polyphonie de son immense talent.
Par le prisme de cet ouvrage grand format, accessible, précis et
richement illustrée, nous découvrons le caractère Excoffon, son
écriture, le parcours de cet auteur (typo)graphique, le chantier du
Mistral, le premier nom de l’Antique Olive, un Calypso tout à fait
fortuit ; l’Excoffon publicitaire, graphiste, visualiste dont les
travaux & les commandes laissent apparaître ici de façon
synoptique la vision d’une époque, un peu de notre histoire
contemporaine, en France tout particulièrement, mais pas
seulement.
La mise en page du livre se fait au fil des pages mise en scène
avec, en point d’orgue, un superbe cahier consacré aux
photographies que Jean Dieuzaide a fait de Roger Excoffon dans les
années 1960.
L’Excoffon de David Rault est un livre que l’on peut lire vite, à
la vitesse d’une Ferrari, image que feu Yves Perrousseaux associait
cet ouvrage, s’amusant de l’audace de sa couverture
rutilante.
Mais c’est aussi un travail que l’on peut relire avec patience, en
gourmet des vignettes et des mots. Ceux de Maximilien Vox et
Savignac en particulier sont de véritables morceaux de bravoure
littéraires, qui dépassent de loin le génie spécialisé de la
typographie et qui devraient puissamment contribuer à célébrer les
nouvelles noces de la geste excoffonienne et de l’homme de la
rue.
Yves Perrousseaux est parti trop tôt en ces jours de mai 2011,
plein de projets d‘éditions en tête. C’est à la manière d’un
témoignage que j’essaye en ce dimanche soir de me souvenir de cet
amoureux fou de la typographie. Comment fallait-il aborder ce
devoir de mémoire? Jamais évident… Je me souviens avoir rencontré
Yves
Perrousseaux à la fin des années 80, lors de ces mémorables
rencontres annuelles d’août organisées par les Rencontres
internationales de Lure. Ce lieu était un doux mélange de grands
professionnels de la typographie, d‘érudits de toutes sortes, de
jeunes étudiants, d’amateurs éclairés en soif d’apprendre,
d‘échanger. En 1989 lors d’un de mes premiers passages, je
reconnaissais en la personne d’Yves l’un de ces amateurs, j‘étais
un des ces étudiants. Nous étions tout en bas de cette
montagne, face aux Blanchard,Mandel,Richaudeau,Ponot, et ravis
d’apprendre à leur contact.
Les années passaient et en 1995, il publiait son premier manuel
de typographie composé en Sabon. Cet ouvrage n‘était
pas destiné aux professionnels du graphisme, mais plutôt aux
utilisateurs non-professionnels des outils de PAO de l‘époque. Ce fut un réel succès. De nombreuses
rééditions ont suivies (neuf éditions?).
Yves, grand amateur de typographie latine, aimait essayer des
nouveaux caractères typographiques, promouvoir les jeunes
générations que nous étions en utilisant nos fontes. Yves
utilisait avec grand plaisir dans ses mises en pages de livres de
recettes, de guides, autour de la provence (ses clients locaux) nos
créations typographiques, dont celles de François Boltana,Thierry
Puyfoulhoux, et bien d’autres comme celles d‘Éric de Berranger,Xavier Dupré, etc.
qui étaient ravis de voir enfin utilisé de beaux caractères de
textes en édition. Yves apprenait, comme nous les jeunes, malgré
l‘écart générationnel.
Vers 1997, Yves, emporté par l’enthousiasme de Gérard Blanchard, publiait l’Aide au choix de la typographie du Chancelier
des Rencontres internationales de Lure. Une somme typographique,
fournie, complète, mis en page par Blanchard lui-même sur son PC,
et recomposé par Yves Perrousseaux, le tout, composé avec un des
packs de la totale typographie, Le Monde Livre1
et Le Monde Sans que j‘étais en train de finir pour ma fonderie. Avec
le recul, il semblerait que Gérard avait réussi nous faire passer
du statut d’amateurs à celui de passionnés de typographie en nous
associant à ses “saines folies” typographiques. Dans une interview publié en 2002, Yves Perrousseaux
nous dit d’ailleurs à ce sujet: Quant à en être l’un des
piliers, c’est beaucoup dire. C’est à Lurs que j’ai appris la plus
grande partie de mes connaissances professionnelles actuelles.
C’est à mon tour de transmettre ce que les aînés m’ont transmis,
c’est tout et c’est normal. Yves est pour ainsi dire un pur
produit de l’esprit de Lurs.
Yves — lors de nos discussions téléphoniques passionnées (nous
n‘étions pas toujours d’accord et c‘était mieux ainsi, une preuve
de nos engagements pour une passion commune) — me racontait ses
nouvelles aventures d‘éditeur d’ouvrages typographiques: rencontre
avec
Frutiger, publication des
livres de Mandel, etc. Sa maison d‘édition Atelier
Perrousseaux est devenu au fil des ans l‘éditeur francophone
qu’il manquait dans notre pays. Bien plus tard, lorsque j’ai appris
qu’Yves Perrousseaux avait trouvé son successeur en la personne de
David Rault vers 2009, c‘était une excellence nouvelle pour la
continuité de son œuvre. Cette décision prend d’un seul coup
tout son sens dans ces derniers jours de mai
2011. Yves Perrousseaux restera un des acteurs majeurs de la
tradition
typographique lursienne.
Les éditions Atelier Perrousseaux, qui nous ont déjà gratifiés
de deux superbes volumes d’une Histoire Typographique qui est
devenu un ouvrage de référence incontournable sur le sujet,
viennent de faire paraître un nouvel ouvrage sur un sujet fort peu
traité par les historiens de la typographie, j’ai nommé la « lettre
française d'art de main » ou « lettre façon d'écriture », plus
connue sous le nom de « lettre de civilité ». À la frontière de la
typographie et de la calligraphie, ces lettres sont calquées sur
une des cursives de l’époque et servaient à imprimer notamment des
manuels éducatifs. On les composait dans ce caractère bien
particulier en se disant qu’il était plus facilement lisible à
l’âge où l’on apprend à lire et à écrire justement cette cursive
scolaire. En dehors de l’ardu problème typographique qui consiste à
rendre par des rectangles de plomb toutes les subtilités d’une
cursive avec ligatures, trait continu et caetera, ces lettres sont
très esthétiques et loin, dans leurs formes, des caractères romains
et italiques auxquels une typographie plus classique nous a
habitués et plus proches d'une cursive gothique que nous étudierons
bientôt chez Graphos.
Découvrez donc dans cet ouvrage les liens qui ont perduré
tardivement entre typographie et calligraphie, les influences
réciproques (si, si) entre ces deux modes de production du texte
écrit, cela vous donnera bien des idées et des modèles desquels
vous inspirer pour calligraphier ce caractère un peu oublié du
corpus calligraphique habituel. Les nombreuses illustrations sont
accompagnées d’un texte remarquable de Rémi Jimenes qui met
parfaitement en valeur à la fois la naissance, l'évolution et
l’utilisation typographique de ce caractère mais aussi les
influences de et sur la calligraphie de cette cursive, bien loin
des modes d'inspirations qu’y puiseront plus tard Hermann Zapf ou
Alan Blackman.
Bref, pour une fois un ouvrage qui met en lumière les nombreuses
interrelations entre typographie et calligraphie et une bien belle
source d’inspiration pour nous autres scribes.
>[Sylvie Litté]
Il est bien trop rare que les éditeurs modernes –entendons, les
éditeurs d’aujourd'hui– accordent suffisamment d’importance à la
«mise en livre» des manuscrits qui leur sont confiés. Pourtant, les
travaux d’histoire du livre montrent bien non seulement que le
texte ne saurait exister seul, mais que le livre en tant qu’objet
apporte au lecteur, par les dispositifs matériels qu’il met en
œuvre, bien autre chose que le seul texte. «Mettre en livre» avec
compétence et élégance un livre qui traite précisément d’un aspect
de la «mise en livre», à savoir l’histoire du caractère
typographiques, est tout particulièrement bien venu.
On ne peut par conséquent qu’être reconnaissant à l’éditeur Atelier
Perrousseaux de l’ouvrage que Rémi Jimenes a consacré aux
Caractères de civilité d’avoir réussi à nous offrir un livre dont
l’élégance formelle se combine avec un contenu textuel de qualité.
L’étude de la typographie et des caractères reste trop peu
développée en France, et encore mal intégrée aux travaux d’histoire
générale du livre –une exception remarquable étant bien évidemment
celle du Musée de l’imprimerie dirigé par Alan Marshall à Lyon.
L’exposition d’Écouen sur Geoffroy Tory et son Champfleury
constitue aussi, en ce moment même, une excellente occasion
d’approcher ce domaine.
Rémi Jimenes, doctorant au CESR de Tours, définit les caractères de
civilité, alias lettre française d’art de main, comme « une
typographie gothique reproduisant l’écriture cursive qu’employaient
les hommes de plume français au milieu du XVIe siècle » (p. 10).
Histoire et civilisation du livre donnera de cet élégant volume un
compte rendu circonstancié, mais le sommaire que nous publions
ci-dessous donne une bonne image d’un contenu présenté à la manière
d’une pièce de théâtre classique.
La sortie du beau livre de Rémi Jimenes sur les caractères de
civilité était attendue avec impatience par de nombreux
bibliophiles. Il vient heureusement compléter la série d’ouvrages
d’Yves Perrousseaux sur l’histoire de la typographie.
La tâche était ambitieuse, aucun ouvrage en langue française de
cette ampleur n’avait encore couvert le sujet, un comble pour un
art typiquement français !
Sa lecture est un vrai plaisir ; on y apprend des tas de choses
sur les « lettres françaises d’art de main », des origines à ses
développements successifs (je dirais même ses mutations) jusqu’au
XIXe siècle. On savait le style de ces caractères dérivé des
écritures de chancellerie. Une nostalgie de copiste, pourriez-vous
penser, que nenni ! Il s’agissait, au contraire, d’une volonté
délibérée des humanistes de la Renaissance de « faire moderne » et
d’affirmer la grâce et le caractère (c’est le cas de le dire !) des
lettres françaises sur les italiennes.
Si Geoffroy Tory, le précurseur, défend la langue française, qui
n’a rien à envier en beauté à la latine, c’est pourtant aux
caractères romains qu’il s’attache à fixer les justes proportions.
Il avait bien envisagé de traiter en parallèle des lettres
françaises: « Si j’eusse pu trouver mention par écrit de nos
susdites lettres de forme et bâtardes … je les eusse mis en ordre
selon leur due proportion ». Et oui, seulement, il ne risquait pas
d’en trouver en 1529, le bougre, puisque c’est Robert Granjon, en
1557, qui, le premier, publia un ouvrage en cursive gothique !
A l’origine de toute typographie il y a une écriture manuscrite
que le graveur prend pour modèle, le style italique de Griffo des
éditions aldines cherchait aussi à se rapprocher de l’art
inimitable de la main. Mais les caractères de civilité se
rapprochent plus fidèlement encore de la souplesse des lettres
cursives ; à l’origine, ce sont des variantes de la gothique
bâtarde (ce qui est plutôt paradoxale car l’écriture gothique
n’était plus à la mode depuis quelques décennies, au point que
Pétrarque écrivait déjà qu’elle avait été inventée pour autre chose
que pour être lue !). Ensuite, il faut un modèle, les Maitres
d’écriture royaux sont de bons candidats ; Pierre Habert,
calligraphe et valet de chambre du Roi, a pu inspirer Granjon,
tandis que Pierre Hamon, calligraphe réputé, a inspiré Philippe
Danfrie.
Il faut avoir l’œil exercé pour distinguer tel type à tel autre,
mais comme les autres ouvrages de la série, celui-ci est très
pédagogique et il vous donne l’inventaire des différents types,
comme ceux de Granjon, par exemple : les capitales, les bas de
casse, les ligatures, les finales. Voilà l’art de main décodé
!
Cette nouvelle typographie sera contrefaite malgré le privilège
dont bénéficie Granjon pour 10 ans, et se diffusera rapidement, en
France mais aussi à l’étranger, notamment dans les pays du Nord.
Pourtant, le caractère de civilité ne parviendra jamais à
supplanter les lettres romaines. Il est d’un usage plus difficile
pour l’imprimeur, et le crénage des types les rend fragiles à la
presse.
Ce que le livre de Rémi Jimenes montre bien c’est la fortune en
dent de scie de cette typographie. A la mode de 1560 à 1620, elle
disparait presque complètement au XVIIe siècle, pour revenir en
force au début du XVIIIe siècle. Seule exception confirmant la
règle, le météore Pierre Moreau, qui invente une nouvelle
typographie tirée des arts de la main, selon une démarche proche de
celle de Robert Granjon. Mais il appartient à la corporation des
Maitres-écrivains et non à celle des imprimeurs et son expérience
sera vite brisée par ces derniers.
Le gothique cursif s’offre donc un come back tonitruant dans les
années 1730 grâce à Jean Baptiste de la Salle, le fondateur des
Ecoles Chrétiennes, qui publie en 1703 Les Règles de la Bienséance
et de la Civilité Chrétienne. Cette fois le pli est pris, il
deviendra difficile ensuite de publier un livre de civilité qui ne
soit pas composé avec ces caractères, sauf bien plus tard, lorsque
les éditeurs ne verront plus de motifs à suivre un style que plus
personne n’utilise et ne lit facilement. C’est l’âge d’or de la
civilité, plus de 200 ouvrages ont été comptabilisés entre 1703 et
1863 !
Les lettres sages et bien alignées de Granjon et de ses suiveurs
étaient principalement réservées aux textes officiels, aux
ordonnances, privilèges et autres épitres dédicatoires, mais le
Gothic Revival de la période suivante touchera surtout les éditions
populaires et la production de colportage : mauvais papier, souvent
manipulés par les enfants, reliures modestes (si on excepte le
maroquin bleu de Duru pour l’exemplaire du Baron Pichon des Règles
de la Bienséance !). Ces manuels faisaient coup double, celui
d’enseigner les règles de savoir-vivre en même temps que l’écriture
manuscrite. L’ouvrage montre bien les cousinages entre la
typographie de civilité et les manuels de calligraphie destinés à
enseigner l’art de bien former les lettres, la ronde et la
bâtarde.
On regrette juste que cette partie consacrée aux productions
proprement calligraphiques des Maitres-écrivains, les Louis
Senault, les Honoré-Sébastien Roillet, etc, ne soit pas plus
développée. Sans doute par ce que leurs ouvrages étaient plus
souvent gravés que typographiés.
A la fin de l’ouvrage un appendice donne un inventaire utile des
principales éditions de livres scolaires rédigés avec des
caractères de civilité, depuis les Règles de la Bienséance de JB de
la Salle, pour qui voudrait commencer une collection de ces
impressions pittoresques.
Impossible de traiter sur une seule page, fut-elle internet, de
toute la richesse du livre de Rémi Jimenes, Le mieux reste de le
lire. Bon, je vous laisse, et j’y retourne…
C'est un réel plaisir de vous présenter l'ouvrage fraîchement
paru de l'un des premiers lecteurs du blog, Rémi Jimenes. Son
ouvrage Les Caractères de civilité, Typographie et
calligraphie sous L'Ancien Régime, vient effectivement de
paraître à éditions Atelier Perrousseaux Editeur (29,50€), et il
est superbe.
J'ai déjà eu l'occasion de le
feuilleter pendant toute une soirée et j'attends avec impatience
d'avoir un peu de temps pour me plonger dans ce qui me semble déjà
être un nouvel ouvrage de référence sur le sujet. Mais pour vous
donner une première impression, c'est vraiment très très
intéressant même pour le non spécialiste que je suis. C'est très
bien écrit, et on se laisse porter par l'histoire dans l'Histoire.
J'aime beaucoup.
Rémi étant un fidèle du blog, il
a accepté de se prêter au petit jeu de l'entretien pour les
lecteurs du blog, afin de nous en dire plus sur lui, ses recherches
et son ouvrage.
Rémi, quel a été ton parcours
jusqu'à la parution de l'ouvrage?
Après deux
années de khâgne à Orléans et une licence d'histoire, je me suis
orienté vers un master en histoire du livre à Tours, au Centre
d’études supérieures de la Renaissance. J’y ai consacré mon mémoire
à la carrière de Charlotte Guillard, veuve des imprimeurs Berthold
Rembolt et Claude Chevallon. Je poursuis aujourd’hui cette
recherche en doctorat. Parallèlement je collabore au projet de
numérisation des Bibliothèques Virtuelles Humanistes.
Comment
l'idée de cet ouvrage a-t-elle germé?
À la fin de
l’année 2009, j'ai été mis en contact avec Yves Perrousseaux, qui
recherchait des photographies pour illustrer son Histoire de
l'écriture typographique. Comme je m'intéressais à l’histoire
de la calligraphie, il m'a demandé quelques renseignements sur le
sujet, avant de me proposer la rédaction d'un livre consacré aux
rapports entre typographie et calligraphie. Ce vaste sujet
dépassait de loin mes modestes compétences. Cependant, depuis
plusieurs années je rassemblais de la documentation sur les
caractères de civilité. J’ai donc proposé à Yves d’aborder les
rapports entre typographie et calligraphie à travers l’histoire de
la lettre de civilité.
Mais
que sont les caractères de civilité ?
Gravés par
Robert Granjon en 1557, les caractères de civilité imitent la
gothique cursive des secrétaires français de la
Renaissance.
Cette
typographie est surtout connue pour l’utilisation qu’en ont faite
les imprimeurs aux XVIIIe et XIXe
siècles : le caractère ne servait plus alors qu’à imprimer des
manuels de savoir-vivre et de bienséance, qui ont donné leur nom à
cette typographie. Mon livre rejoint ceux d'Yves Perrousseaux
dans la collection « Histoire de l'écriture
typographique ». Cette collection, bien connue des amateurs
comme des professionnels, rassemble des ouvrages de référence
copieusement illustrés. Les derniers volumes sont tous imprimés en
quadrichromie.
L'ouvrage
est en effet magnifique, qu'apporte-t-il à l'histoire des
caractères de civilité?
Plusieurs
auteurs s'étaient auparavant intéressés à l’histoire des caractères
de civilité. En 1966, Harry Carter et Hendrik Vervliet ont publié
en anglais un livre entièrement consacré au sujet. Leur livre, qui
recense les polices gravées à la Renaissance et étudie leurs
origines, demeure une référence incontournable. Il n'était bien sûr
pas question pour moi de « refaire » le Carter-Vervliet,
mais d’adopter une approche différente du sujet : d'une part,
en ne m'intéressant pas exclusivement au graphisme des caractères
mais à leur utilisation par les imprimeurs (pour quels textes?) et
à leur réception par le public (avaient-il du succès?) ; et
d'autre part, en élargissant le cadre chronologique de cette
enquête.
On connaît
bien l’histoire de l’invention de cette typographie, mais on
n’avait pas encore regardé précisément ce qu'elle devenait aux
XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Cet élargissement du cadre
chronologique m’a permit de montrer que les caractères de civilité
disparaissent totalement des presses françaises dans la seconde
moitié du XVIIe siècle, pour ne réapparaître qu'en 1703 avec la
publication des Règles de la Bienséance et de la Civilité
chrétienne de Jean-Baptiste de La Salle.
Il m’a alors
paru intéressant d'interroger les causes de cette disparition et
les raisons de la «résurrection» de cette typographie en 1703.
Malgré leur apparent archaïsme, les caractères de civilité étaient
employés pour des motifs pédagogiques clairement définis.
Un autre
volet important de mon travail est sans doute la mise en relation
de la typographie avec l’histoire de la calligraphie. La variation
des modes calligraphiques en France du XVIe au XIXe siècle, le
passage de l'écriture gothique à la ronde, puis de la ronde à la
coulée et enfin à l'anglaise, a naturellement affecté l'utilisation
des caractères de civilité qui servaient non seulement pour
l’apprentissage de la lecture, mais également pour l’apprentissage
de la calligraphie. J’ai ainsi volontairement profité de l’occasion
pour donner quelques précisions sur l’histoire, finalement mal
connue, de la calligraphie française sous l’Ancien Régime.
Je présente
également quelques modèles d’écriture tirés non pas des grands
manuels d’Alais de Beaulieu, Saintomer ou Royllet, ces rolls-royce
de la calligraphie, mais tirés de petites brochures rares et peu
connues, celles qu’avaient précisément dans les mains les enfants
des classes populaires.
(...)
Article dans la revue Plume mars-mai 2011
Article de "La Marseillaise"
Le Pays de Forcalquier-Montagne de
Lure est ancré dans l'histoire de la typographie. Le
village de Lurs y accueille «Les Rencontres
Internationales de Lure», créées en 1952 par
MaximilienVox et, plus récemment, la
Communauté de Communes a été labellisée «Pays du Livre
et de l'écriture», dans le but de fédérer les professionnels du
livre et de leur donner les moyens d'exercer leur activité. Après
avoir habité Forcalquier, YvesPerrousseaux est maintenant installé à
Reillanne: «Actuellement à la retraite, j'occupe mon
temps, avec un plaisir certain,à réaliser une Histoire de
l'écriture typographique, en plusieurs tomes, de
Gutenberg ou 20' siècle». Le Bas-Alpin explique
qu'«une telle démarche n'avait pas été réalisée depuis les travaux
de FrancisThibaudeau au début des années
1920. Je veux transmettre, d'une façon didactique, ce patrimoine
culturel mal connu, en France du moins,qui a fixé à travers les
époques,les modes et l'évolution des techniques, la pensée de
l'homme dans le livre et d'une façon plus générale dans l'imprimé».
L'ensemble de cette Histoire de l'écriture typographique,
en plusieurs volumes,est conçu pour proposer une vision générale et
complète du sujet. C'est en quelque sorte une véritable
encyclopédie de la typographie,et c'est une première dans le
monde.«De gros problèmes de santé m'ont fait perdre plus de deux
ans,continue YvesPerrousseaux. Mais que les lecteurs
se rassurent : le troisième volume vient de paraître, le quatrième
est en préparation,il sera consacré au 19e
siècle...»
L'atelier Perrousseaux l'éditeur vient de s'offrir
une cure de jouvence et arbore, désormais un nouveau
logo, remis à jour de la première livrée créée
par YvesPerrousseaux à la fin des années
1960,dans le que l'on retrouve toujours le hibou,vénérable emblème
de la maison. Ce changement n'est pas uniquement cosmétique,
puisqu'il préfigure la nouvelle ligne éditoriale de
Perrousseaux pour 2011. En effet,outre les ouvrages de
typographie et de graphisme qui continuent d'être le
cœur de la collection, l'année qui vient verra arriver
également deux nouvelles sous-catégories au sein du catalogue:
Bandes dessinées et Internet. La collection Bandes
dessinées présentera des ouvrages d'analyse et de réflexion autour
du 9"art, point de convergence logique des thèmes chers à l'atelier
Perrousseaux (l'image et le langage) ; les deux
premiers titres,Entre l'élite et la plèbe de
Jean-NoelLafargue et L'espace blanc
entre les cases de StéphaneDeschamps, sortiront en fin d'année 2011. L'autre
nouveauté, la collection Internet, aura pour but
d'éditer des ouvrages de typographie adaptés et destinés aux
développeursWeb, répondant clairement à
des problématique en perpétuelle évolution. Les deux premiers
titres, qui traiteront de la Lisibilité de la typographie sur
Internet et des Grilles & de la
macro-typographie de la page Web,
signés respectivement par AurélienFoutoyet et Anne-SophieFradier, seront publiés à la fin 2011.
Article dans Tm rsi stm 2010-06
«L'écriture chinoise» _ Tel est le titre du septième
cahier de la collection KitabTabulae,
publiée sous la férule de StéphaneIpert,
directeur du Centre de conservation du livre d'Arles,
coédité par l'Atelier Perrousseaux. Il
s'agit de la traduction française d'un ouvrage rédigé en
anglais par OliverMoore.
S'il semble peu probable que l'écriture soit apparue en Chine à
l'époque néolithique (vers 6000'1700 av.
J.C.), on estime, en revanche, que la véritable
écriture chinoise émerge dans l'Etat Shang en 1200 av.
J. oc. Ce livre présente en conséquence un des plus anciens
systèmes d'écriture au monde. Il rassemble, de façon intéressante,
les principes de base du langage et ceux de la formation et de
l'évolution des caractères chinois. A partir de
nombreux exemples révélés par l'archéologie et le témoignage de
documents conservés dans les musées, l'auteur décrit
chronologiquement les principales écritures chinoises, toujours en
usage.
Enseignant actuellement l'art et la culture de la Chine à
l'Institut de sinologie de l'Université de Leyde,
OliverMoore a précédemment
œuvré au Département of Oriental
Antiquities du BritishMuseum. C'est un spécialiste de l'écriture, de
l'épigraphie et des objets en bronze chinois.
(...)
Aborder, par cette pertinente édition de base, le système
d'écriture propre à l'immense étendue géographique que représente
la Chine, cela invite à la réflexion, voire incite à
l'approfondissement.